" Gaîa, Ô Terre "
Le recueil (im)possible.
2012/2021
Exposition personnelle intitulée: Insulaire, sur les traces de Saint-John Perse, du 13 avril au 15 juillet 2023. Galerie Gallimard, Paris.
Monographie sortie le 04/05/23:
www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Livres-d-Art/Insulaire#
Saint-John Perse, de son vrai nom Alexis Leger, s’installe au lieu-dit La Polynésie, sur la presqu’île de Giens, en 1957. Je connais presque par cœur ce bout de terre à l’extrême sud du Var, je l’ai maintes fois arpenté depuis l’enfance. Il ressemble à un navire tourné vers le large et m’emmène chaque fois vers un ailleurs où se mêlent mythes du bassin méditerranéen et puissance des forces élémentaires. Lorsque j’ai découvert la poésie de Saint-John Perse et sa « haute maison de mer », Les Vigneaux, je me suis laissé emmener par ses mots et son souffle poétique. Plusieurs années durant, j’ai tourné autour du lieu où il avait vécu, tenté de suivre ses traces, deviné et imaginé ses pas sur la presqu’île. Comme Pierre Guerre, l’ami que Saint-John Perse accueillait chaleureusement aux Vigneaux, je suis devenue intimement convaincue que « le poète ne fait pas que nommer les choses, il les “connaît”, il les hante. Il est poète par un contact ininterrompu, nécessaire, avec le sol, les arbres, l’air et les vagues ».
À la fin de sa vie, Saint-John Perse avait le projet d’écrire un cycle de poèmes d’éloge à la terre, comme il l’avait fait auparavant pour d’autres éléments, avec Vents, Amers ou Pluies par exemple. On sait que cet ensemble avait été provisoirement intitulé Gaïa par le poète. Guidée par le mystère autour de cette œuvre inachevée, je tente de capter la dimension tellurique des courants qui se déplacent continuellement entre les zones lumineuses et les zones d’ombre de la terre. En m’inspirant de certains de ces derniers poèmes écrits à Giens et d’autres plus anciens, je guette les lumières de la Méditerranée, je poursuis une Atlantide entre rêve et réalité, je questionne la frontière entre terre et mer. Je cherche un lien, une limite, entre paysages documentaires et paysages oniriques. Parallèlement, je collecte et fabrique différents fusains avec les morceaux de bois trouvés le long du sentier du littoral, j’expérimente une dimension plus picturale du travail photographique en dessinant au fusain et à la mine de plomb sur les tirages pigmentaires des paysages documentaires. J’utilise la matière naturelle du lieu afin d’apposer à mon tour ma propre trace.